Retour sur le Tribunal pour les Générations Futures
Le 14 février dernier s'est tenu un Tribunal pour les Générations Futures, organisé par le Labo de la Fraternité avec Usbek & Rica. C'est dans le cadre très symbolique du Musée de l'Homme qu'un faux procès, celui de la fraternité, a eu lieu. L'ensemble des témoins, issu(e)s d'horizons variés, ont en effet eu à répondre à la question suivante : "Doit-on enlever le mot fraternité du fronton de nos mairies ?"
La Cloche était représentée par Arnaud Seize, vice-président de l'association, qui a fondé son discours en partie sur son expérience de la vie à la rue. Retrouvez ci-dessous son témoignage.
Des conditions de vie inhumaines
"Les conditions de vie à la rue sont extrêmement violentes." Voilà comment Arnaud entame son allocution. De fait, "en plus d'avoir tout perdu : logement, famille, ami(e)s", les vols sont incessants et les regards des passant(e)s, extrêmement pesants. Dans une étude de 2012, l'Institut BVA et Emmaüs nous apprennent que "83% des personnes sans domicile souffrent du rejet des passant(e)s."
À cela s'ajoute un quotidien rythmé par les besoins les plus élémentaires : où se laver, où aller aux toilettes, où et quoi manger et, enfin, où dormir en sécurité. Concernant l'accès à l'hygiène, "il ne reste que très peu de toilettes publiques" et "l'un des seuls moyens [pour se doucher] est de se rendre dans un accueil de jour" s'il reste de la place. Manger n'est pas plus aisé : "trop souvent se sont des sandwichs mis à disposition dans les accueils de jour, il reste néanmoins les maraudes qui permettent de prendre un plat chaud." Arnaud ajoute toutefois que cette deuxième option tend à renforcer la stigmatisation dont souffrent de nombreuses personnes en situation précaire puisque faire la queue pour une maraude se fait "aux vues et au su de la société civile." Enfin, le sujet du sommeil : "il faut dès le matin téléphoner au 115 pour espérer avoir la chance de dormir dans un hébergement d'urgence" mais la réalité, c'est qu'il faut en moyenne "6 mois pour avoir une place."
En parallèle de la recherche de la satisfaction de ces besoins, il faut également "satisfaire aux différents rendez-vous et démarches qui sont complexifiées par les sacs qui trahissent" la situation des personnes sans domicile, certaines devant même justifier auprès de travailleur(euse)s sociaux(ales) leur envie de "s'en sortir."
Enfin, Arnaud s'arrête quelques instants sur la solitude : "Le plus dur à la rue, c'est ce sentiment d'abandon, on sait tou(te)s ce que c'est d'être seul(e). Mais une fois à la rue [...] même l'État n'est plus présent, vous n'êtes plus rien."

© Tommy
Une fraternité à l'épreuve
Lorsqu'on lui demande clairement si l'on doit retirer le mot fraternité du fronton des mairies, Arnaud est sans appel "je pense que l'État n'est en rien fraternel." Et d'argumenter : "il est défaillant sur les moyens qu'il déploie face à la grande précarité en se soustrayant à ses obligations, et en laissant aux associations le soin de régler les questions liées à la grande précarité." Mais notre vice-président ne s'arrête pas là. L'État lui semble tout autant "défaillant sur le logement", notamment concernant les logements sociaux puisqu'en "règle générale, il faut un à deux ans pour une personne seule avant d'avoir" accès à ce type de prestation sociale. Il déplore le manque d'information au sein du système scolaire. "Si l'on veut faire prendre conscience aux gens que la grande précarité, c'est le problème de tou(te)s, il faut former les jeunes générations" pour qu'ils/elles incarnent la solidarité demain."
Arnaud conclut sur une note d'espoir : "je dirais que les associations, les collectifs, les bénévoles sont solidaires, qu'ils/elles déploient des trésors d'imagination pour parer au mieux les problèmes."
Pour aller plus loin, retrouvez le podcast du Tribunal pour les Générations Futures en cliquant sur ce lien.